Julian Perez, vice-président de la gestion du risque et de la conformité chez dentalcorp
Par leur nature même, les interventions de dentisterie comportent certains risques. Combien de choses peuvent mal tourner? Un article publié en 2016 dans le Journal de l'Association Dentaire Américaine recensait 747 causes possibles de blessures liées à des soins dentaires.
La plupart du temps, tout se passe bien puisque les professionnels des soins dentaires se préoccupent des patients et s’efforcent d’éviter les événements indésirables. Mais faire de son mieux n’est pas toujours suffisant. Une fois qu’une activité a atteint un seuil de complexité critique, la compétence et les efforts déployés ne sont plus une garantie de sécurité. L’exemple classique est de faire atterrir un gros porteur sur une piste bondée la nuit, après 12 heures de vol. Pourtant, cette activité est beaucoup plus sécuritaire que les soins de santé.
En 2016, seulement 325 décès sont survenus lors d’accidents impliquant des avions de ligne. Au cours de la même année, une étude du Johns Hopkins estimait qu’aux États-Unis, plus de 250 000 personnes étaient décédées à la suite d’une erreur médicale.
En dentisterie, les décès sont rares, mais les effets indésirables ne le sont pas. Dans une étude réalisée aux Pays-Bas en 2013 sur 1 000 dossiers de patients, des erreurs indésirables n’ont été relevées que dans 5 % des cas, mais la fréquence réelle est probablement beaucoup plus élevée. Parmi les effets indésirables constatés, 40 % auraient pu être évités. Plusieurs événements indésirables du domaine dentaire se traduisent par des blessures mineures; néanmoins, les erreurs sont coûteuses puisqu’elles diminuent la confiance des patients ainsi que le degré de satisfaction des patients et des professionnels de la santé.
Nous pouvons faire mieux que ça. Le mouvement de sécurité des patients moderne a commencé il y a vingt ans lorsque l’Institut de médecine a publié « L’erreur est humaine ». Principale conclusion de L’erreur est humaine : le recrutement de grands médecins ne suffisait pas à éliminer les erreurs évitables. L’amélioration de la sécurité passe plutôt par la modification des systèmes, des processus et des attitudes. L’introduction de listes de contrôle de la sécurité est un excellent exemple d’une modification de processus fondée sur le principe selon lequel l’erreur humaine est inévitable. Les listes de contrôle sont monnaie courante dans le transport aérien depuis des décennies; les compagnies aériennes ont compris que même les meilleurs pilotes pouvaient éventuellement perdre leur conscience situationnelle et leur concentration.
Alors voilà, la première leçon à retenir du domaine aérien, c’est que l’intégration de processus appropriés et de systèmes intelligents peut réduire les risques d’erreur de manière tangible. Au cours des dix dernières années, l’adoption des listes de contrôle a lentement commencé dans le domaine dentaire.
La deuxième concerne également l’échec. Chaque avion commercial est équipé d’une boîte noire. En cas d’accident, la boîte noire est localisée et analysée, et les raisons qui ont provoqué l’accident font l’objet d’une enquête. Lorsque c’est nécessaire, les procédures sont modifiées afin que le même événement ne se reproduise plus. Les pilotes, les constructeurs, les organismes gouvernementaux et les compagnies aériennes partagent ces informations; c’est dans l’intérêt de tous.
La dentisterie doit reconsidérer son approche des événements indésirables. Plutôt que de les nier ou de tenter de les oublier, l’industrie aérienne nous apprend à en tirer parti. Alors, la prochaine fois que quelque chose tournera mal, parlez-en. Partagez ces événements avec vos collègues. Amenez la discussion dans un club d’étude. Si vous n’avez pas d’autres options, parlez-en à la Conformité. Apprendre à partir des mésaventures des autres est l’un des meilleurs moyens d’améliorer la sécurité des patients et il s’agit d’un des avantages de faire partie d’un réseau.
À propos de l’auteur
Julian Perez est vice-président de la gestion du risque et de la conformité chez dentalcorp. Il est également responsable de l’élaboration, de la mise en œuvre et de la supervision des normes, des programmes et des systèmes de l’entreprise qui visent à promouvoir la prestation de soins optimaux aux patients. Julian possède une solide expérience juridique, car il a travaillé pour un cabinet d’avocats de Wall Street à Manhattan et un programme de responsabilité professionnelle, assurant la défense de plus de 10 000 dentistes accusés de fautes professionnelles. Julian est titulaire d’un baccalauréat de l’Université Yale et d’un doctorat en jurisprudence de la faculté de droit de l’Université Columbia.