Michelle Budd, DCD, consultante en sécurité des patients chez dentalcorp et Julian Perez, vice-président de la gestion du risque et de la conformité chez dentalcorp
La culture peut être définie de plusieurs façons, y compris la suivante : « systèmes de connaissance que partagent un grand groupe de personnes ». Au sein d’une organisation, une culture de la sécurité englobe les valeurs, l’attitude, les perceptions, les compétences et les types de comportements qui déterminent l’adhésion à un programme de santé et de sécurité, ainsi que son style et son rendement. En dentisterie comme dans le secteur de la santé en général, une culture de la sécurité nécessite un engagement inébranlable envers le bien-être des patients et des membres d’équipe.
Une culture de la sécurité positive permet à tout le monde de viser le but commun de réduire de façon mesurable le nombre de quasi-accidents, d’accidents et d’incidents; elle ne se limite pas aux règles et aux procédures de sécurité. Une solide culture de la sécurité sollicite l’adhésion des membres d’équipe. Au sein d’une organisation présentant une telle culture, le bien-être et la sécurité deviennent des valeurs fondamentales plutôt que des éléments secondaires.
L’établissement et le maintien d’une culture de la sécurité positive n’arrivent pas du jour au lendemain : ces réalisations nécessitent temps, travail et investissement. La participation de l’ensemble des membres d’une clinique implique l’écoute de ces derniers, la valorisation de leur contribution et la reconnaissance de leur perspective, qu’il s’agisse du dentiste principal, du gestionnaire de clinique ou du coordonnateur de traitement. Ce n’est seulement que lorsque la sécurité devient un objectif personnel qu’un changement culturel peut avoir lieu.
Investir dans la sécurité
Instaurer une culture de la sécurité est un investissement qui, entrepris adéquatement, produit un rendement considérable. De nombreux exemples démontrent que l’accent mis sur la sécurité entraîne le succès des entreprises. Évidemment, ce concept s’applique parfaitement à l’aviation : tout le monde veut être à bord d’un vol de la compagnie aérienne la plus sécuritaire, dans le modèle d’avion le plus sécuritaire du fabricant le plus sécuritaire. Par ailleurs, lorsque vous pensez à Volvo, le mot sécuritaire vous vient sûrement en tête, car ce constructeur automobile suédois tire profit de cette réputation depuis des dizaines d’années. Il en va de même pour le secteur de la santé. Les patients éclairés effectuent leurs recherches et choisissent l’hôpital associé au nombre d’événements indésirables le plus faible que possible. Lorsque les patients en soins dentaires auront accès à davantage de renseignements, ils procéderont à la même méthode pour rechercher une clinique dentaire. Les analyses de la culture de la sécurité au sein des organisations médicales ont cours depuis plus longtemps qu’en dentisterie. Cependant, les évaluations positives des cliniques dentaires constituent la clé de l’avenir de notre profession et ne doivent pas être ignorées.
Le fait de se concentrer sur la sécurité ajoute de la valeur à une clinique d’autres façons moins intuitives. En 1987, lorsque Paul O’Neill a pris la barre du géant industriel Alcoa, il a dit aux actionnaires que sa principale priorité serait de faire d’Aloca l’entreprise la plus sécuritaire de l’industrie. Pour quelle raison? Améliorer les bénéfices de l’entreprise. L’attention soutenue de Paul O’Neill pour la sécurité a généreusement récompensé l’entreprise et ses actionnaires. Près d’un an après son discours inaugural aux actionnaires, les profits d’Alcoa avaient atteint un niveau record. Treize ans plus tard, lorsque Paul O’Neill a pris sa retraite, la capitalisation boursière d’Alcoa était cinq fois plus élevée que lorsqu’il s’y était joint. Et ceci n’était pas une coïncidence. Paul O’Neill avait compris qu’une entreprise sécuritaire était forcément une entreprise bien gérée. Sans une solide mobilisation des employés, des processus précis et une excellente communication à tous les niveaux de l’organisation, on ne peut pas améliorer la sécurité. Paul O’Neill a considérablement amélioré le profil de sécurité d’Alcoa, gagnant ainsi l’admiration de ses employés. Tout au long de sa carrière chez Alcoa, il a su améliorer la gestion de l’entreprise, laquelle subissait moins de temps d’arrêt et favorisait un travail d’équipe remarquable.
Culture juste
Instaurer une culture de la sécurité nécessite beaucoup de travail. Toutefois, les concepts connexes sont simples. Une des composantes clés d’une culture de la sécurité est le concept de culture juste. Une culture juste est une culture qui préconise la confiance, l’apprentissage et la responsabilité. Elle vise notamment la manière dont une organisation réagit en cas de problème. Lorsqu’un incident survient, une culture juste minimise le rôle du blâme et des reproches. Dans son livre Just Culture (2016), l’auteur Sidney Dekker souligne qu’il existe un lien étroit entre la culture de la sécurité et l’aisance des gens à signaler un incident. Les gens effectuent seulement un signalement s’ils savent qu’ils seront traités de manière équitable. Si une entreprise choisit machinalement de discipliner ou de licencier ses employés lorsque les choses tournent au vinaigre, les erreurs restent dissimulées et les occasions d’apprentissage et d’amélioration sont perdues.
La culture du signalement est un sous-ensemble de la culture juste. Pour établir une culture de signalement, une entreprise se doit de cultiver une ambiance dans laquelle les gens signalent avec confiance leurs préoccupations en matière de la sécurité, ainsi que les quasi-accidents, les accidents et les blessures sans craindre que quelqu’un soit exposé à un blâme. Les employés doivent savoir que la confidentialité sera maintenue et que l’organisation tiendra compte des renseignements divulgués. Autrement, les membres d’équipe jugeront qu’il n’y a pas d’avantage à signaler un incident.
Pour commencer
L’amélioration ou la mise en place d’une culture de la sécurité au sein d’une clinique dentaire consiste à influencer l’attitude et les comportements relatifs à la sécurité de tous les membres d’équipe. Voici quelques astuces pour établir une culture de sécurité :
1. S’assurer que l’engagement envers la sécurité commence par les dentistes ou les gestionnaires principaux
2. Faire participer toute l’équipe dentaire à la planification et à la mise en œuvre d’activités promouvant la sécurité
3. Cerner, puis éliminer ou limiter les risques dans l’environnement de la clinique dentaire
4. Élaborer des cycles de communication et de rétroaction entre tous les membres d’équipe afin de vérifier que les modifications apportées aux systèmes ou aux processus améliorent réellement la sécurité
5. Discuter ouvertement de l’importance de la conscience situationnelle
6. Promouvoir l’obligation personnelle de rendre compte
L’établissement d’une forte culture de la sécurité au sein de votre clinique n’est pas un mince exploit, mais les résultats obtenus vaudront certainement votre investissement.
Références :
Yansane A, Lee JH, Hebballi N, Obadan-Udoh E, White J, Walji M, Easterday C, Rindal B, Worley D, Kalenderian E. « Assessing the Patient Safety Culture in Dentistry », JDR Clin Trans Res, vol 5, no 4 (octobre 2020), p. 399-408. En ligne : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31923373/
The Organization for Safety Asepsis and Prevention (OSAP). « Infection Control in Practice », (mars 2014). En ligne : https://cdn.ymaws.com/sites/osap.site-ym.com/resource/resmgr/ICIP_Issues/ICIP_MAR_2014-online.pdf
« Safety Culture: Core Attributes of a World-Class Safety Culture ». En ligne : https://safesitehq.com/wp-content/uploads/Safety-Culture-V01.pdf
Sidney Dekker. Just Culture: Restoring Trust and Accountability in Your Organization, 3e éd., 2016.